L’Importance d’Écouter le Corps
13 Feb 2023 2024-11-27 18:17“Je comprends pas… Depuis quelques temps, j’ai des douleurs dans le bas du dos et des troubles digestifs — des constipation, ballonnements, crampes abdominales…
Et pourtant, rien à changé dans ma vie!
J’ai pas eu d’accidents, je n’ai pas fait de faux mouvements, ni d’efforts physiques particulier. Même alimentation, même travail, mêmes relations. Je n’ai pas particulièrement de stress. Tout va bien! Appart… ces récents troubles!
Je comprend pas ce qui passe avec mon corps…”
Bien souvent, les gens viennent à moi avec des problèmes de santé sans comprendre pourquoi il souffre. Sans comprendre pourquoi ça leur arrive. À entendre mes patients on croirait en effet que leur corps est devenu fou et qu’il n’y a pas de raison valable à leur maux!
“Ça doit forcément être une erreur! Peux-tu la corriger et faire partir ma douleur?!”
Heureusement que je ne les écoute pas!
UNE QUESTION DE PERCEPTION
Plutôt, j’écoute le corps qui communique une toute autre réalité. Du moment où on entre en relation avec le corps, on perçoit son véritable état, qui est en fait bien loin d’être détendu, fonctionnel et en pleine vitalité malgré une apparence “saine”.
Ce n’est que quand on l’approche avec respect qu’il nous révèle ce qu’il vit, ce qu’il l’affecte.
Après tout, un corps en vie est bel et bien vivant! Et comme tout être vivant, ce n’est que lorsqu’on perçoit que l’autre a une réelle intention sincère de nous aider, sans motif caché ni arrière-pensée, qu’on peut se permettre d’expirer, de relâcher nos gardes, de relaxer et révéler à l’autre ce qui nous trouble. Parfois simplement dans le silence.
De la même façon, bien qu’ “écouter le corps” ça peut sonner étrange, absurde, farfelu ou “flyé” pour certains, c’est tout aussi concret.
Palper un foie par exemple c’est entrer en relation avec tout ce que cette partie vit et a vécu: comment elle se sent, le stress auquel elle fait face, ce qui la perturbe, comment elle souhaite répondre, si elle est capable d’exprimer cette réponse, et sinon pourquoi… et tout ce qui y est rattaché (émotions, pensées, états d’esprit, traumas,…). Tout est perceptible!
Le degré auquel on peut recevoir l’autre — la qualité, la quantité et la profondeur de ce qu’on peut percevoir — n’est qu’une question de raffinement de notre capacité de ressentir, tant via le sens du toucher que directement par notre système nerveux. C’est subtile certainement, mais tout à fait perceptible.
Ça peut sembler “magique” pour certains, mais c’est tout à fait similaire au sommelier qui rafine son sens du goût au point où certains peuvent goûter un vin et en distinguer la provenance, le vignoble, l’année de production et même si c’était une saison pluvieuse! Avec de la pratique, on apprend à développer notre sens du toucher pour ressentir et percevoir davantage d’informations, et de façon plus précise. À l’essence, c’est notre système nerveux qu’on développe et notre capacité à recevoir ce qui émane de l’autre, ce qui est transmis par le corps, dans son propre “langage”.
Et c’est ce ressenti qui nous guide. Heureusement, autrement je serais aussi perdu et déconnecté que mes patients et je n’aurais que d’autre choix que de chercher à corriger cette “erreur” du corps et de lui imposer une résolution, en pensant bien faire…!
Cette écoute est absolument nécessaire pour travailler AVEC le corps et ainsi assurer un rétablissement durable.
LA RÉALITÉ DU CORPS
Dans le cas de ce patient, le corps portait de vives tensions notamment au niveau de l’abdomen: l’intestin endurcit et rigidifié, et le diaphragme et le plancher pelvien constamment sur-contractés. Des tensions qui avaient un impact direct sur la structure osseuse — du coccyx, sacrum, aux vertèbres lombaires, à la cage thoracique… et à l’ensemble du corps.
Comment espérer que la digestion se fasse optimalement si l’intestin est aussi tendu?! Pas surprenant qu’il souffrait de douleur au dos et de troubles digestifs!
Et au-delà des tensions physiques, les couches plus profondes: le stress et l’anxiété profonde de l’être humain moderne, ce refus et de ressentir et même cette incapacité de faire face aux insécurités et traumas logés dans le bassin, cette peur viscérale… l’obsession de contrôle du mental pour demeurer déconnecté de cette réalité sous-jacente. Comment elle s’exprime par cette tension dans son diaphragme qui coupe son corps en 2, diminuant littéralement la circulation sanguine et nerveuse et la communication des sensations du bassin et des viscères vers le haut du corps… la traction des attaches du diaphragme et de l’intestin sur les vertèbres lombaires qui désaligne toute la colonne… comment les hanches doivent compenser… etc.
Et le corps en entier qui fait de son mieux pour gérer malgré tout, exténué sous les compensations, sans jamais véritablement pouvoir s’arrêter et se déposer en toute confiance.
Chaque corps a sa couleur, son vécu, son caractère. Et à la fois, on retrouve une réalité quasi-unanime… cette réalité brute de la nature corps qui paie le prix de nos actions, nos choix, et nos vies modernes.
Et on se surprend à l’apparition de nos maux et symptômes!
Ça souligne à quel point on est déconnecté. À quel point on vit dans nos têtes, éparpillé dans nos pensées, préoccupé par mille et une choses… tellement qu’on ne ressent plus. Et bien qu’on puisse juger, c’est tout à fait valide. C’est intense tout ce qui est logé dans le corps… Pensez à toutes les expériences et traumas (les gros comme les petits) qu’on a vécus et pas encore digéré et intégré! En être déconnecté témoigne de l’intelligence absolu du corps qui nous coupe et nous protège en rendant inconscient tout ce qu’on ne peut gérer dans le moment. En attendant le jour où on aura l’espace, le temps, la volonté et les ressources nécessaires pour y faire face et assister le corps dans son rétablissement.
On est loin de maux de dos ou de ballonnements apparus hors de “nulle part”!
Sans connexion à la réalité que vit notre corps, sans reconnaissance de son intelligence absolue, des circonstances dans lesquelles il se trouvent et l’immensité des tensions qui l’accaparent, on ne peut comprendre les symptômes qu’on vit et on se retrouve totalement désemparé. Et nécessairement, on se sent victime de notre corps, de ses réactions, de ses erreurs, de sa nature.
Ce n’est qu’en étant ancré à cette réalité qu’on peut assister le corps — d’où l’importance de s’y reconnecter. C’est mon rôle en tant qu’ostéopathe: offrir au corps ce support stable dont il a tant besoin pour relâcher sa surcharge et ses tensions. Recevoir sa réalité dans le silence et l’aider à intégrer peu à peu tout ce qu’il porte et libérer ce qui entrave son retour vers la santé.
Puis assister les personnes qui le désirent à reprendre la responsabilité de leur propre santé en leur enseignant à rétablir cette relation à leur corps.
À mon sens, c’est là que débute véritablement la santé.
~
Merci à ce patient pour sa transparence et l’inspiration pour cet article.